Amélie Mansfield[Volume I, pp. 7 - 9] LETTRE II.[p. 1] Je te remets, mon Amélie la lettre que tu m'as envoyée ce matin: elle prouve que
monsieur Grandson a le sens droit, une grande franchise et le coeur excellent. La proposition
qu'il te fait mérite notre reconnaissance, et peut-être ton consentement . . . . . . Ah, mon Amélie!
je n'ai point tracé ce mot sans effort douloureux, et tu crois bien que, si je ne consultais que mon
coeur, je te retiendrais ici; mais [p. 8] tu y es si mal sous tant de rapports, on t'y juge si
désavantageusement, on rend si peu de justice, aux qualités qui te distinguent, qu'il y aurait de
la sagesse à t'éloigner; j'espère que ce ne sera pas pour toujours. La raison dissipe enfin les
préventions, l'absence peut adoucir les ressentimens, et quelquefois le tems a affaibli la haine;
mais, lors même que perdant à jamais l'espoir de retrouver à Dresde la considération dont tu
jouissais et que tu mérites, tu croirais devoir te fixer en Suisse, serions-nous séparés pour cela?
Quels que soient les motifs qui me retiennent ici, en est-il d'assez puissans pour m'empêcher
d'aller revoir ma soeur bien aimée? Si tu pars, je ne te laisserai point t'exposer seule aux
fatigues d'une si longue route; je te conduirai chez ton oncle; je reviendrai aussitôt faire valoir
tous mes droits à la main de Blanche, et si je l'obtiens, tu connais ton amie, tu sais si son coeur
s'entendra avec le mien pour partager [p. 9] notre tems entre notre patrie et celle dont tu auras
fait choix; et s'il me fallait renoncer à la femme que j'aime, si je suis réservé à un pareil malheur,
ne sais-tu pas, ô Amélie! que ce n'est-ce qu'auprès de toi que je pourrais m'en consoler? Je te verrai ce soir; et nous causerons sur tout cela avec plus de détail. |