Amélie Mansfield[Volume II, pp. 160 - 162] LETTRE LXIII[p. 160] Je m'arrête encore pour t'écrire: ma lettre d'hier t'aura alarmée; j'y montre peu d'espoir . . . . peut-être ai-je trop de défiance; mais, Amélie, la décision dépend beaucoup de Madame de Woldemar. Je te vois frémir à ce funeste nom; je frémis come toi; je lui dois tant! ses préventions sont si fortes! son caractère si indomptable! ses volontés si absolues! mais ce n'est pas sur elle que tu dois arrêter ta pensée: repose-la sur le serment que j'ai fait que la morte seule pourrait m'arracher à toi. Amélie, femme idolâtrée! dis, quelle est la puissance qui oserait s'égaler à la tienne, et que ne doit-on pas sacrifier à l'amour, puisqu'il est le seul bien du [p. 161] monde qui ne trompe point? tous les autres ont un terme, lui seul n'en a pas. Tandis que la reconnaissance, l'amitié, tous les autres attachemens de la terre viennent se briser contre la mort, l'amour seul la brave, lui survit, et nous accompagne dans l'éternité. Mon Amélie, ce n'est pas un lien de peu de jours que nous avons formé; nous sommes l'un à l'autre maintenant, jusque dans ces tems infinis qui se perdent dans l'avenir. Oh! quel inexprimable ravissement de sentir que tu m'appartiens pour toujours, et que le bien que je possède en toi n'aura point de fin. Ecartons les défiances, les regrets, les terreurs qui ne doivent point trouver place dans une union impérissable comme la nôtre, et jouis avec moi de cette pure et céleste joie qui inonde mon coeur, depuis qu'en te donnant à moi, j'ai acquis la certitude que nous ne pouvons plus être séparés . . . . Adieu, Amélie, adieu; il faut encore m'éloigner de toi, et pourtant je n'existe que [p. 162] là où tu es; et en ton absence, il ne me reste de force que pour t'écrire, et de vie que pour t'aimer. |