Amélie Mansfield[Volume III, pp. 263 - 265] LETTRE CXI[p. 263] Je ne puis dormir: ce n'est pas sur des yeux trempés de larmes que le sommeil répand ses tranquilles douceurs . . Je veille pour gémir; je songe à ce qui était encore hier beau et florissant: je reviens sur mes premiers ans; je pleure la jeune compagne de mon enfance, qui dort maintenant dans la sein de la terre, de cette terre qui couvre leurs cendres réunies -- Hélas! Blanche, ce n'est [p. 264] plus eux qu'il faut plaindre: leurs douleurs ont passées, et sans doute ils en ont reçu la récompense: les malheureux sont ceux qui restent pour pleurer et se repentir -- O ma Blanche! vous l'avez soutenue dans ses épreuves, vous l'avez beaucoup aimée dans ces momens terribles où elle luttait encore contre l'oppression et la mort, vous avez adouci ses douleurs: ah! que cette idée vous rend respectable et chère au coeur de votre Albert! non jamais! jamais il n'oubliera que vous avez consolé sa soeur! Je ne suis pas encore en état de vous voir Blanche; je suis trop accablé, trop abattu par le coup qui m'a frappé -- Le jour, la nuit, j'ai continuellement devant les yeux l'image de ma soeur expirante, pressante ma main de sa main defaillante, cherchant encore à me voir; j'entends ses derniers adieux, qui furent une bénédiction . . ; j'entends sa dernière prière -- Que le souvenir d'Ernest soit uni au mien dans ton coeur. Oui, je respecterai tes volontés, ô ma [p. 265] soeur! et le souvenir de l'homme qui te fut si cher sera aussi sacré pour moi que le tien. Blanche, puisque vous consentez à n'exister que pour moi, à me consacrer votre vie, j'aurai encore des jours heureux sur la terre; mais pour oser y penser je suis encore trop près de ceux de la douleur. |