Amélie Mansfield[Volume III, pp. 67 - 69] JOURNAL D'AMÉLIE[p. 67] Dis, homme cruel! es-tu satisfait de la passion qui me dévore? son empire est-il assez terrible? et la puissance que tu exerces sur mon lâche coeur te laisse-t-elle quelque chose à désirer? Hélas! c'est pour toi et pour toi seulement que j'ai abandonné mon fils: j'ai vu son sommeil, son innocent sourire; j'arrosais son visage de mes pleurs criminels, et je restais . . . . mais tu m'as appelée, et j'ai obéi. Ah! qui dira les douleurs d'une mère désolée? Tandis que je descendais la montagne, l'ombre plaintive de mon fils errait autour de moi; je croyais l'entendre [p. 68] gémir: "Laisse-moi, m'écriai-je, laisse-moi aller chercher le père de cette autre victime . . . . " Au bas de la montagne, je me suis assise sur une pierre pour regarder encore le château: combien de fois je vous y ai vu placé à mes côtés! mais vous n'y étiez plus: un effrayant silence enveloppait l'univers, la lune répandait sur tous les objets sa lueur froide et mélancolique, et ne semblait les éclairer que pour me montrer que j'étais seule au monde. Je me suis arrachée à mes dechirantes réflexions: la chaise m'a emportée loin de mon fils; mais si elle m'avait approchée de toi, et que tu m'aimasses encore! . . . . . . O toi que je ne connais que par l'amour que je te porte, et qui n'ai d'existence que celle que tu voudras me donner, si je pouvais une seule fois encore sentir ton coeur battre contre le mien, et ta voix me dire qu'Amélie t'est chère, je ne me plaindrais point de mon sort, et je mourrais en paix. [p. 69] Dans peu de jours je serai chez Madame de Simmeren: c'est la sans doute que m'attend cette vérité terrible que je brûle et que je tremble de découvris |