Amélie Mansfield

[Volume III, pp. 69 - 70]

JOURNAL D'AMÉLIE



Continuation


27 Aoùt.

[p. 69] Je n'ai pas eu le courage de descendre chez Madame de Simmeren: au moment de connaître mon sort, j'ai frémi de ce qu'il allait être, et j'ai retardé une nuit encore ce redoutable éclaircissement. Je suis dans une misérable auberge; la pluie bat par torrens contre mes fenêtres; l'orage ébranle la maison; une triste lampe éclaire à peine le papier sur lequel j'écris; la tête appuyée contre la pierre de ma cheminée, je jette mes regards sur la journée de demain, et passant alternativement de l'effroi à l'espérance, je hâte et je retarde par mes voeux ce jour qui va paraître . . . . Que m'apprendra-t-il? Je vais voir la [p. 70] mère d'Adolphe, elle me parlera de lui; mais Adolphe est-il celui que j'aime? Que va penser Madame de Simmeren en me voyant arriver chez elle? Si en effet tu lui dois le jour, tu l'auras instruite: me recevra-t-elle comme sa fille? ou me repoussera-t-elle comme une femme coupable que tu te seras fait un jeu cruel de séduire? Toi-même, où es-tu? Tu m'as écris de Dresde, où tu n'étais pas; maintenant que tu dis y être, peut-être te trouverai-je ici peut-être dans ce moment même dors-tu paisiblement au château de Simmeren, tandis qu'à quelques pas de toi, je veille dans les larmes, et que ma pensée erre dans le vague de l'univers pour t'y chercher . . . . Oh! s'il était vrai, s'il était possible que demain! . . . . Avec quelle lenteur les heures se traînent; la nuit ne finit point; le jour ne paraîtra jamais: le tems s'est-il arrêté pour moi seule, pour prolonger la mortelle incertitude qui pèse sur mon coeur?


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Page Last Updated 7 April 2004