[Qu'appelez-vous un petit roman? il y auroit assez d'événemens pour en faire un de dix volumes, Volume III, pp. 144 - 146] [144] Oui, dit le comte, en souriant, elle doit être fort tranquille. Mais achevez, de grâce; votre histoire devient presque un petit roman. Qu'appelez-vous un petit roman? il y auroit assez d'événemens pour en faire un de dix volumes: vous n'êtes pas au bout. J'en suis, je crois, à la terreur, à l'effroi, à la consternation, à l'instant où je vois Zastrow. Je jette un cri perçant; je me cache au fond de la chaise. Marianne se désole; crie au postillon d'avancer. Zastrow le lui défend, le menace; des gens s'assemblent autour de nous; le bruit et la foule augmentent: il faut cependant [145] prendre un parti. Je veux parler à Zastrow, lui imposer, lui demander quels droits il a sur moi, sur ma liberté, lui dire nettement que je préfère la mort à l'épouser, à retourner à Dresde avec lui: je lève les yeux; et qui vois-je à quatre pas de moi! . . . C'est bien à présent que vous allez crier à la féerie, au roman, à tout ce qu'il y a de plus étonnant, de plus incroyable . . . C'est Lindorf! oui, c'est Lindorf lui-même, que je croyois au fond de l'Angleterre, et qui est à côté de la chaise de poste tout aussi frappé d'étonnement que moi-même. Nous disons à la fois: Matilde, Lindorf. Je ne balance pas un instant; je crois que le ciel lui-même l'envoie à mon secours, et m'élançant hors de la chaise . . . Achevez l'histoire, Lindorf, dit-elle tout-à-coup en s'interrompant et baissant les yeux; vous savez le reste mieux que moi; et se penchant sur Caroline, elle lui dit à l'oreille: Il ne dira pas, je l'espère, que je me jetai [146] dans ses bras, et que je l'entourai des miens en le serrant de toutes mes forces. |