Les Châteaux Suisses, Anciennes Anecdotes et ChroniquesFrom LES GROTTES DE LINDENTHAL OU LE CHÂTEAU DE THORBERG[Volume I, 17 - 20] [p. 17] A une lieu de Berne, du côté de l'orient, s'élève la montagne du Bantiger; sa base est considérable, et sa hauteur environ d'une demi-lieu. Le noyau de la montagne est de pierre de grès, qu'on voit de côté et d'autre percer la terre végétale. Sa douce pente est cultivée jusqu'aux rochers qui la dominent; entre des bois et des groupes d'arbrisseaux, on trouve des champs, des prés, et de distance en distance des chaumières dans quelques places abritées; à l'ouest et au nord, s'élèvent plusieurs monticules boisés, entre lesquels de petites vallées bien retirées, bien vertes, bien romantiques, inspirent au voyageur le désir de s'y reposer; la route de Berne à Berthoud les travers. A [p. 18] deux lieues de Berne, on arrive au village pittoresque de Krauchthal. Enre ce village et son église, domine, sur un roc sablonneux, l'antique château de Thorberg, résidence des baillis, hernois depuis la Réformation; c'était auparavent un couvent de Chartreux, et dans des temps plus anciens un château fort, berceau de la noble race des seigneurs de Thorberg, dont le nom et les hauts faits se retrouvent souvent dans l'histoire de la Suisse. Près du village du Krauchthal, et derrière toute la hauteur du Bantiger, se prolonge une vallée étroite, tranquille, abritée par la montagne; elle est délicieuse par la douceur de la température, par les points de vue remarquables, par le site singulier dont nous allons faire la description et l'histoire, er par son joli nom de Lindenthal. Au bout de cette vallée, à peu de distance du château de Thorserg, est le petit village de Coppingen, où la propreté des maisons announce l'aisance des habitants. Là, le voyageur trouvera du lait offert avec l'ancienne hospitalité suisses; après s'être restauré avec ce breuvage excellent, surtout dns les montagnes, il suivra quelque temps encore la route entre Thorberg et Krauchthal, en côtoyant une paroi de rochers jusqu'à ce qu'il aperçoive, dans le haut de ces rocs, briller des fenêtres entre les buissons, sans que rien autre lui indique qu'il puisse y avoir des maisons à une telle hauteur; il trouvera alors, entre les broussailes qui garnissent le bas de la montagne, un sentier tortueux qui le conduira à ces singulières demeures. [p. 19] Leur élévation, depuis la route, est de quatre cents pieds et mille pas au moins à cause des détours. Il y a toute apparence que c'était autrefois, comme le reste de la paroi, un rocher taillé à pic, et que les éboulements d'un sable qui s'est recouvert par la suite de terre végétale, l'ont rendu tel qu'il est à présent, couvert d'arbrisseaux et même de quelques brands arbres qui attestent l'ancienneté du sol. Deux vastes grottes naturelles, que l'on nomme dans le pays des balmes, se trouvent aux trois quarts de la hauteur; l'une, la plus grande, domine toute la vallée; l'autre, cent cinquante pas plus loin, est plus du côté de Thorberg. De toutes les deux on a la vue la plus belle, la plus étendue; et cet antique manoir, en face, produit l'effet le plus pittoresque. Autrefois, avant que ces grottes fussent habitées, elles étaient environnées d'arbres, dont on voit encore les traces, et le château de Thorberg devait être absolument caché par ces sapins fort élevés; mais actuellement que le paysage est à découvert, ce tableau est un des plus curieux et des plus intéressants qu'on voie dans ces contrées. Les deux balmes sont maintenant habitées apr un cordonnier et un manoeuvre, qui ont tous les deux une nombreuse famille. La nature leur a fourni un toit et les parois latérales; ils n'ont eu autre chose à faire, pour trouver une demeure commode et spacieuse, que de construire au devant un mur percé des fenêtres et d'une porte, et de faire en dedans quelques séparations. Une rigole, placée au- dessus de la voûte, reçoit les eaux et [p. 20] les conduit dans un bassin, qui forme une fontaine au devant de l'habitation. Les hôtes de cet étrange domicile ne devraient pas y être en sécurité; les eaux, qui se rassemblent au-dessus de la voûte, peuvent s'augmenter et devenir dangereuses; les mêmes causes, qui ont product les éboulements de sable et qui ont donné les moyens d'arriver aux grottes, peuvent se renouveler, et ces voûtes peuvent devenir un moyen de destruction prompt et terrible. Mais aucun d'eux ne se livre à ces sinistres pensées; ils l'ont l'heureux système que ce qui n'est pas arrivé à leurs pères ne leur arrivera pas, et les années, les siècles qui se sont écoulés en respectant ces demeures leur ôtent toute crainte. Ils sont convaincus qu'elles resteront éternellement de même; ils se trouvent parfaitement heureux; ils respirent dans cette région un air pur et vivifiant qui entretient leur santé et leur bonne humeur, et ils ne songent pas au luxe du village voisin. J'ai décrit minutieusement les habitations des rochers; je veux à présent intéresser mes lecteurs en leur racontant l'antique histoire des premiers habitants des grottes de Lindenthal et des derniers barons de Thorberg. Dans l'année 1375, le sire Enguerrand de Couci, à la tête d'une armée formidable d'Anglais et de Bretons, [p. 21] pénétra dans l'Helvétie, et ravagea successivement les cantons de . . . |